Iñigo Aranguren: « La numérisation est essentielle pour le recyclage »
Iñigo Aranguren, PDG de Hydro Aluminium Iberia (filiale espagnole de la multinationale norvégienne Norsk Hydro), nous a parlé des défis de l’aluminium et de son recyclage aujourd’hui, ainsi que de l’impact de l’utilisation des ressources et de la protection de l’environnement sur ce marché.
Hydro Aluminium est présente en Espagne depuis la fin du siècle dernier. Quelles sont, selon vous, les principales étapes qu’elle a franchies depuis lors ?
Depuis 1997, Hydro Aluminium, dans sa division « Metal Products », a gagné des parts de marché dans la péninsule ibérique, et est actuellement le leader du marché dans la production et la vente de billettes d’aluminium, la matière première de base pour l’extrusion de l’aluminium. En 2000, Hydro Aluminium en Espagne a investi dans une fonderie pour le recyclage de l’aluminium, répondant ainsi, d’une part, aux besoins de ses clients de convertir les déchets en nouvelles billettes et, d’autre part, à la mise en place progressive d’une stratégie de recyclage des déchets post-consommation. Cette stratégie a mûri au fil des ans et s’est concrétisée par un nouvel investissement en 2019 : un four à coulisse qui nous permet d’utiliser des volumes importants de déchets post-consommation de manière efficace et durable. La ferraille post-consommation est une ferraille qui a été produite antérieurement, et dont l’empreinte carbone est donc minimale.
Le développement durable est très présent chez Hydro, quel a été le processus de conception des produits en aluminium à faible teneur en carbone : Hydro REDUXA et Hydro CIRCAL ?
Hydro Aluminium est une entreprise intégrée du secteur de l’aluminium, couvrant ainsi l’ensemble de la chaîne de valeur de l’aluminium, de la bauxite au recyclage. Hydro REDUXA est le produit des usines primaires norvégiennes du groupe, et est basé principalement sur l’utilisation d’énergies renouvelables, essentiellement l’énergie hydroélectrique, dans la production d’aluminium. Ce produit présente une traçabilité absolue de son empreinte carbone et a la qualité exceptionnelle de couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur de sa production, du minerai au produit recyclé pour le client. Cela nécessite une politique de durabilité dans toutes les parties du processus de production de l’aluminium. Grâce à REDUXA, Hydro aluminium garantit une empreinte carbone maximale de 4 tonnes de CO2 par tonne d’aluminium produite, ce qui constitue une étape importante dans la production actuelle d’aluminium dans le monde. Hydro CIRCAL est produit dans des fonderies Hydro qui utilisent des déchets post-consommation comme base de leur mélange de matières premières. CIRCAL garantit une utilisation minimale de 75 % de déchets post-consommation, ce qui en fait un produit unique sur le marché en termes de contenu en matériaux recyclés et de faible empreinte carbone, répondant ainsi aux critères les plus stricts de l’économie circulaire.
Quelle est la stratégie actuelle d’Hydro en matière de climat et d’environnement ?
Hydro a l’ambition de réduire ses émissions de CO2 de 30 % d’ici à 2030. Pour y parvenir, elle dispose d’une stratégie fondée sur trois éléments :
- Utilisation de sources d’énergie renouvelables et de matières premières à faible empreinte carbone, telles que les déchets post-consommation ;
- L’innovation et la technologie dans la phase de production ; par exemple, l’utilisation du gaz au lieu du pétrole dans notre production d’alumine au Brésil, ou l’investissement dans de nouveaux fours dans nos fonderies pour le traitement des déchets à forte teneur en matières organiques, etc.
- Enfin, en augmentant la fabrication et la vente de produits durables, tels que les produits actuels REDUXA et CIRCAL, car le marché est de plus en plus demandeur de tels produits verts.
Comment l’augmentation de la demande de matières premières affectera-t-elle le secteur dans les années à venir ?
En ce qui concerne l’aluminium, nous voyons un processus très clair de décarbonisation, qui va avoir un impact majeur sur l’équilibre entre l’offre et la demande. La Chine, qui était un exportateur net d’aluminium, va devenir le plus grand importateur d’aluminium au monde, car le gouvernement chinois a mis en place des mesures urgentes et cohérentes pour réduire son empreinte carbone, ce qui va réduire sa capacité de production dans les années à venir. Sur les quelque 68 millions de tonnes consommées dans le monde aujourd’hui, la Chine représente 59 %, alors que sa production est de 57 %. Dans les années à venir, nous assisterons à une augmentation de la production d’aluminium en dehors de la Chine, ce qui nécessitera de nouveaux investissements dans la production d’aluminium primaire, et un niveau de prix de l’aluminium qui soutiendra ces investissements.
Comment voyez-vous le potentiel de l’aluminium dans les véhicules électriques ?
Les transports représentent une part importante des émissions mondiales, environ 15 %, c’est pourquoi les gouvernements du monde entier encouragent et subventionnent l’utilisation de voitures électriques. Au sein de la voiture électrique, une croissance significative est attendue pour les véhicules électriques à batterie. On prévoit que 21 millions de véhicules électriques à batterie seront vendus en 2030 et que l’utilisation d’aluminium par véhicule sera d’environ 63 kg, ce qui signifierait une consommation d’aluminium de 1,3 million de tonnes. Cette consommation doublerait en 10 ans.
Quels sont les pays qui ont actuellement la plus forte demande d’aluminium ?
En dehors de la Chine, mentionnée ci-dessus, la demande d’aluminium est mondiale, avec un lien très direct entre le produit intérieur brut et la consommation d’aluminium. Le niveau d’industrialisation détermine également la demande d’aluminium.
Quelle est la santé du secteur de l’aluminium sur le marché espagnol ?
La production d’aluminium primaire en Espagne est menacée en raison des coûts énergétiques élevés qu’implique le processus de fabrication. Cependant, les secteurs de l’aluminium tels que l’extrusion, le laminage et le moulage sont en très bonne santé. Le secteur de l’aluminium en Espagne s’est modernisé ces dernières années, a beaucoup investi dans la valeur ajoutée et sa qualité est reconnue sur les marchés internationaux. Le marché de l’extrusion, auquel je suis le plus étroitement lié, exporte plus de 50 % de sa production, principalement en Europe.
Quels sont les principaux défis du recyclage de matériaux tels que l’aluminium ?
De mon point de vue, le plus grand défi du recyclage de l’aluminium est le tri et le traitement corrects des déchets. Au cours des cinq dernières années, nous avons assisté à un développement impressionnant de nouvelles usines de traitement de la ferraille en Espagne, qui comprennent des broyeurs, des électro-aimants, des séparateurs de plastiques, d’inertes, de métaux lourds, etc., ainsi que des systèmes à rayons X ou de flottation, qui garantissent une composition chimique appropriée pour la fusion ultérieure. La séparation de l’aluminium par alliage est un défi pour le moment, mais des technologies y travaillent déjà. L’Espagne est un pays avec une projection imbattable dans le recyclage de l’aluminium ; le stock existant de fenêtres en aluminium obsolètes, le nouveau code de construction, la durabilité, l’efficacité énergétique, etc., vont signifier une très forte demande pour le recyclage de l’aluminium en Espagne.
Le recyclage est non seulement une nécessité environnementale, mais aussi une opportunité commerciale dans une économie mondialisée. Quel rôle joue la numérisation dans un secteur aussi traditionnel que celui de l’industrie/recyclage ?
La numérisation est essentielle dans le domaine du recyclage pour deux raisons : d’une part, elle optimise la qualité et l’efficacité des processus de production et, d’autre part, elle assure la transparence et la traçabilité tout au long du processus de recyclage et du produit final.